Pendant longtemps, le terme bien-être a été un simple synonyme de spa dans l’univers hôtelier. Et la performance économique associée bien faible compte tenu du modèle de coûts d’un spa, où le volume des investissements de départ associé aux charges d’exploitation salariales élevées rendent la rentabilité délicate.
Aujourd’hui la donne a changé. Le bien-être est devenu une notion plus stratégique en hôtellerie. Pourquoi ? Certes, il concerne encore et toujours les clients mais
– il n’est plus seulement associé spa.
– et désormais il cible également les collaborateurs. Car oui, le bien-être des équipes est un enjeu clé pour la performance de l’hôtelier.
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LE BIEN-ETRE « ANCIENNE VERSION » : UN IMPACT FAIBLE SUR LA PERFORMANCE DE L’HÔTEL
Le bien-être en hôtellerie s’est longtemps résumé au spa, souvent composé d’un sauna, d’un hammam, parfois d’un jacuzzi et de cabines de soins. Dans le meilleur des cas, le spa était conçu lors de la construction ou la rénovation de l’hôtel. Mais la plupart du temps, le spa était construit après le reste de l’établissement. C’était une extension, souvent située au sous-sol et très souvent sans lumière du jour (on pensait que les lieux sombres étaient propices à la relaxation, mais surtout, il n’y avait généralement aucun autre endroit disponible.)
Côté opérations : un dialogue difficile.
Côté exploitation, qu’elle soit assurée par des spa praticien(ne)s salarié(e)s de l’hôtel ou par un prestataire extérieur, on constatait souvent un clivage culturel. D’un côté, les écoles d’esthétique formaient de très bon(ne)s praticien(ne)s mais sans les éduquer au monde de l’hôtellerie. De l’autre côté les services de l’hôtel, opérationnels (réception, housekeeping, restauration…) ou backoffice (le commercial.) Les premier(e)s avaient l’impression qu’on ne respectait pas leur travail quand on leur demandait de faire un effort sur le tarif des soins pour booster la demande client. Pour eux, le « coût » physique d’un massage était toujours le même et ils ne voulaient pas brader leur valeur. Les seconds avaient l’impression que le spa était un service « à part », non solidaire avec le reste des équipes, ne faisant pas réellement partie de la dynamique globale de l’hôtel.
Côté commercialisation : des leviers de revenus limités.
Les seuls leviers de revenus étaient les soins et les produits.
Or la rentabilité des soins est très compliquée :
– les charges de salaires, de linge et d’énergie sont élevées ;
– le taux d’occupation des praticien(ne)s ne peut être de 100% sous peine de blessures, d’absences et de difficultés de recrutement étant donné la pénibilité su travail.
La rentabilité des ventes produits est meilleure mais la vente reste difficile en spa car les clients achètent plus souvent leurs produits de soins en parapharmacie, grande surface, parfumerie… Ils viennent au spa pour recevoir des soins, majoritairement des massages (70% des prestations des spas hôteliers). Ils peuvent se laisser tenter par un produit suite à un soin visage, notamment dans l’hôtellerie de luxe où les clients ont un pouvoir d’achat élevé. Mais les faibles volumes de vente constatés de manière générale ne permettent pas d’assurer la rentabilité du spa.
L’accès aux équipements type sauna, hammam, piscine… ayant longtemps été offert aux clients de l’hôtel, ils ne généraient pas de chiffre d’affaires.
Pour toutes ces raisons, l’impact du bien-être sur la performance économique des hôtels était
– faible (quand le seuil de rentabilité du spa était dépassé) .
– inexistant (quand ce seuil de rentabilité était à zéro)
– voire négatif, en cas de chiffre d’affaires spa ne permettant pas de couvrir les charges de fonctionnement.
On pouvait parler de bénéfices indirects avec une expérience client enrichie, du cross-selling avec l’hôtel ou le restaurant… Mais dans une entreprise, aucun service ne travaille pour perdre de l’argent. De telles situations ne pouvaient donc pas (et ne doivent toujours pas) être pérennes dans le temps.
Depuis quelques années, on assiste à un changement de mindset concernant le bien-être en hôtellerie. On parle toujours de bien-être client mais en enrichissant l’offre et, de fait, les revenus associés. Et surtout on parle désormais bien-être des collaborateurs, un aspect incontournable du bien-être qui contribue à renforcer l’impact de ce dernière dans la performance économique et sociale des établissements hôteliers.
1er FACTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE : LE BIEN-ETRE DES CLIENTS
L’offre bien-être a beaucoup évolué ces dernières années en hôtellerie. Le spa reste au cœur mais le bien-être s’invite désormais en chambre et au restaurant grâce à des prestations permettant
– de mieux dormir (choix de l’oreiller, choix du matelas, mise à disposition de brumes d’oreiller…)
– et de manger plus sainement (menus healthy, matières premières mieux tracées et plus saines…)
Les fondamentaux du spa omniprésents
La quasi-totalité des hôtels 5* et une grande majorité des établissements 4* ont investi dans la construction d’un spa. L’essentiel des équipements reste le même : sauna, hammam, parfois jacuzzi, grotte de sel, grotte de glace, parcours Kneipp… La piscine reste aussi un équipement phare quand les hôteliers ont la place et les moyens financiers. Mais surtout ce qui change, et c’est le premier impact du bien-être « nouvelle version » sur la performance économique de l’hôtel, c’est que de plus en plus d’établissements font payer l’accès aux équipements bien-être à la clientèle de l’hôtel.
Nouvelle tendance : l’accès payant aux installations bien-être
Jusqu’à récemment, cet accès était généralement intégré dans le prix de la chambre.
Aujourd’hui de nombreux hôtels le facturent :
– soit par un prix forfaitaire par personne, quelle que soit la durée du séjour,
– soit en l’incluant dans le prix de certaines catégories de chambres supérieures et en le faisant payer en option pour les premières catégories.
Objectif premier : préserver l’expérience client en limitant la fréquentation maximale instantanée des installations. Ce revenu additionnel ne s’accompagne d’aucune charge supplémentaire puisque l’exploitation de l’espace bien-être se fait sur la base de charges fixes (énergie, eau…) qui ne varient pas en fonction du nombre d’utilisateurs. La rentabilité de ce revenu spa est donc optimale. Si vous ajoutez à cela la commercialisation d’accès espace bien-être « seuls pour la clientèle extérieure, l’impact sur la performance économique de l’hôtel est réelle.
Des activités bien-être plus rentables
En complément de ces nouveaux « produits », le bien-être nouvelle version intègre également de nouvelles activités qui présentent une rentabilité supérieure aux soins. Si elles sont régulières, elles peuvent créer
– à court terme : un revenu additionnel associé à des charges faibles ;
– à moyen terme, du repeat business (revenu récurrent) en fidélisant une clientèle qui reviendra régulièrement faire ces activités.
Prenons l’exemple d’un cours collectif de yoga proposé à partir de 4 participants. Si ce dernier est assuré par un membre de l’équipe du spa diplômé en yoga (ces profils sont de plus en plus nombreux sur le marché) et facturé 30€/personne par exemple, votre revenu minimal sera de 120€ pour une heure d’une de vos praticiennes. Soit pratiquement le revenu d’un massage de 50mn sans aucune charge supplémentaire. Et si vous proposez cette activité de façon régulière, en communiquant suffisamment sur ce sujet, ces 4 personnes peuvent devenir 8 sans que vous ayez besoin d’un professeur supplémentaire. Soit un revenu de 240€/heure.
Si vous sous-traitez cette activité à un professeur extérieur, il faudra soustraire le coût de la prestation de l’enseignant au chiffre d’affaires du cours mais le résultat reste positif.
Si vous mettez en place des cours réguliers, ce revenu deviendra récurrent et fera venir chez vous une clientèle locale qui en plus profitera peut-être du restaurant ou de vos autres services hôteliers.
Vous pouvez même imaginer des séjours bien-être. En plus de générer ce revenu direct, ils généreront des ventes en hébergement et en restauration puisque ces participants auront besoin de se restaurer et de dormir. L’ajout de nouvelles activités peut donc permettre au bien-être d’avoir un impact supplémentaire sur la performance économique de l’hôtel.
A ces bénéfices s’ajoutent :
– d’autres possibilités de revenus additionnels (ex : proposer des activités bien-être pour les séminaires…) ;
– ainsi qu’un supplément d’expérience client qu’apportent ces évolutions de l’offre bien-être hôtelière.
Le bien-être client s’accompagne désormais du bien-être des collaborateurs. A la fois physique et mental, le bien-être des collaborateurs est, en 2024, indispensable si vous voulez faire du bien-être un outil de performance économique en hôtellerie.
2nd FACTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE : LE BIEN-ETRE DES COLLABORATEURS EN HÔTELLERIE
En enrichissant votre offre bien-être client, il est possible de booster la performance de l’hôtel. Mais surtout, dans un contexte post 2020, où certains secteurs se sont littéralement « vidés » de leurs équipes, comme l’hôtellerie, on sait désormais que le bien-être est incontournable pour la performance en hôtellerie.
Pourquoi le bien-être n’est plus une option en hôtellerie ?
La raison est simple : nous faisons face à une vraie pénurie de main d’œuvre, même là où les salaires ont été revus à la hausse. La fermeture longue durée des spas, hôtels et restaurants a permis à leurs collaborateurs de découvrir les joies des week-ends en famille et soirées entre amis.
A la réouverture, les professionnels du secteur ont constaté qu’entre démissions multiples et difficulté pour ceux qui restent à retrouver la motivation, pouvoir accueillir les clients au quotidien dans de bonnes conditions pour leur permettre de dormir, se restaurer ou se détendre au spa était devenu un vrai challenge.
Des équipes incomplètes, ce sont des nuits non vendues (manque d’équipes en ménage), des repas non servis, des soins non réalisés…soit un manque à gagner évident en chiffre d’affaires.
Quand on demande aux équipes pourquoi elles quittent l’hôtellerie, les réponses sont toujours les mêmes :
– pénibilité du travail dans les rythmes et les postures physiques, sans éducation spécifique sur le sujet ;
– pas assez ou au contraire trop d’autonomie sans mise en condition, management qui ne fait pas grandir les équipes ou ne leur fait pas confiance, pas de cohésion d’équipe…
– évolution trop lente.
Une solution : travailler sur le bien-être des équipes
Cette action peut se réaliser à 2 niveaux :
– Bien-être physique : en prenant le temps d’analyser les postures dans l’environnement spécifique de travail. (Les formations théoriques proposées par l’employeur sont intéressantes quand elles existent mais cela reste trop souvent de la théorie).
Vous éviterez ainsi l’inconfort quotidien au travail qui conduit inévitablement à la blessure et, la plupart du temps, à l’arrêt de travail. Le collaborateur quant à lui ne travaillera plus dans la souffrance physique.
– Bien-être mental : en proposant aux équipes des activités bien-être comme le yoga, la sophrologie, le qi-gong… Reconnus pour leurs bienfaits sur le plan physique (étirements de l’ensemble du corps pour le yoga, détente profonde pour la sophrologie, lâcher-prise pour le qi-gong…), ils permettent à chacun de « rentrer en soi », de se retrouver avec soi-même pour aller chercher son énergie et ses envies au plus profond de soi.
Comment le bien-être des collaborateurs peut re-booster la performance économique d’un hôtel ?
Ce travail diminue les blessures (donc les arrêts de travail) et favorise la confiance en soi. Donc l’autonomie et, de fait, la prise de décisions. En effet, si un collaborateur prend son shift en étant confiant dans sa capacité à bien faire son travail, cela lui amène un épanouissement dans ce qu’il fait.
Cela le pousse à
– prendre des initiatives dans son poste, à oser aller vers le client puisqu’il n’a pas peur de décevoir,
– à interagir avec ses collègues puisqu’elle sait qu’elle est à sa place et qu’on ne risque pas de la déstabiliser en lui disant qu’elle ne connaît pas son travail…
Tous ces éléments de comportement relèvent de compétences douces, les soft skills, compétences qui se cultivent au quotidien, notamment par des activités telles que celles citées ci-dessus.
Résultat ?
– Des collaborateurs bien physiquement et mentalement sont des collaborateurs épanouis, donc heureux,
– des collaborateurs heureux font des clients heureux.
– Et des clients heureux sont des clients qui consomment plus, reviennent et expliquent autour d’eux à quel point leur séjour chez vous a été un moment unique.
ET LE SPA ?
Spa et bien-être client : un dispositif inchangé
Pour l’évolution de l’offre client et son impact sur la performance de l’hôtel, le spa reste un élément central. A condition que la personne qui le pilote
– comprenne les évolutions de tendances,
– sache faire la différence entre chiffre d’affaires et résultat,
– et ait envie de s’intégrer pleinement aux équipes de l’hôtel.
Pour cela, n’hésitez pas à leur proposer des formations spécifiques, à les immerger dans d’autres services, à les intégrer dans les évènements d’équipes que vous faîtes même si leurs horaires diffèrent des autres…
Spa et bien-être collaborateur : et si on la jouait audacieux ?
Pour la mise en place des actions de développement du bien-être des collaborateurs, le spa peut également jouer un rôle.
Ainsi à la base, un(e) spa thérapeute est formé(e) en anatomie, encore plus si elle a eu une formation en deep tissue. Si un membre de votre équipe a une affinité avec le corps et sa mécanique, sollicitez le/la quand un collaborateur vient vous voir pour vous dire qu’il a mal quelque part.
Vous pouvez également trouver une double compétence spa praticien(ne)/professeur(e) de yoga qui, normalement, est parfaitement formé(e) en anatomie, notamment sur les alignements du corps, si précieux pour ne pas se blesser. Cette personne pourra ainsi dispenser des cours de yoga aux équipes, leur proposer des méditations libres en début/fin de journée…
Enfin, quand l’emploi du temps le permet, vous pouvez proposer des massages express et ciblés aux collaborateurs qui ont une douleur musculaire en particulier. Là, l’interaction et la bonne communication avec le reste des équipes est garanti !
Retour d’expérience collaborateur bien-être au Refuge de Solaise****
En tant que spa manager au Refuge de Solaise sur la saison hiver 2021-2022, j’ai eu la chance d’expérimenter ces différentes actions.
Avec notre kinésithérapeute free-lance, nous avons accueilli un certain nombre de collaborateurs se plaignant de douleurs localisées, comme ce chef de partie mesurant 1m98, travaillant sur un plan de travail de hauteur normale mais forcément trop bas pour lui et ayant des douleurs dans la zone lombaire. Nous sommes allées le voir dans son environnement de travail pour valider nos hypothèses. Notre kiné est intervenue en « curatif » pour le soulager immédiatement, et, sous son contrôle, j’ai proposé des postures de yoga favorisant les étirements ciblés à titre préventif.
Nous avons également réalisé des massages express sur zones spécifiques, dès que le planning le permettait, pour les collaborateurs souffrant de tensions liées à leurs postures de travail. Les thérapeutes étaient ravies de pouvoir soulager leurs collègues et ainsi faire découvrir leur métier. Et les collaborateurs ont pu découvrir la pénibilité du travail au spa.
Enfin, j’ai pu organiser en début de saison deux séances de yoga pour les équipes, une sur le lâcher-prise et une autre sur l’optimisme. J’ai eu le plaisir d’y recevoir des collaborateurs de tous horizons, qui avaient besoin de décompresser. La plupart n’avait jamais fait de yoga et avaient juste envie de passer un moment ensemble à se détendre et mieux se connaître, hors contexte de travail.
Des expériences trop rarement autorisées en hôtellerie et pourtant si précieuses pour le bien-être des collaborateurs et, par vois de conséquence, pour le chiffre d’affaires.